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Actualités
FICHE DE CAPITALISATION 2

Pesticide à base de produits locaux : une alternative à l’utilisation des produits chimiques pour lutter contre les insectes nuisibles des cultures du niébé dans la région du Nord

Equipe de rédaction : SANKARA Souleymane, OUEDRAOGO David, SIENOU/LOMPO Chantal, KABORE/CONGO Diane, BONKOUNGOU Isaac, OUEDRAOGO Caroline, Mars 2021
Eléments introductifs
Localisation de l’expérience
L’économie de la région du Nord, à l’instar des autres régions du Burkina Faso, repose principalement sur l’agriculture, notamment les cultures vivrières et de rentes. Le niébé fait partie des filières porteuses répertoriées dans la région avec d’énormes potentialités sur les plans agronomique, alimentaire et économique. Cependant, celle culture reste sujette à des attaques parasitaires de plus en plus exacerbées, provoquant une baisse des rendements de l’ordre de 20 à 80 % (ZIDA E., 2017). Malgré les efforts des structures techniques, des ONG, des Projets et Programmes dans l’encadrement des producteurs, force est de constater que les rendements du niébé, en culture pure, restent toujours faibles dans la province du Yatenga : 556 kg/ha (MAAH/DGESS, 2017).

Face à cette contrainte d’attaques parasitaires récurrentes, quel moyen local de lutte efficace et durable pour les populations faut-il mettre en oeuvre en vue d’améliorer la lutte contre les insectes nuisibles des cultures du niébé ? Le recours aux savoirs locaux apparait comme une alternative.
 
C’est dans cette dynamique qu’il faut situer l’appui du Projet NEER-TAMBA dans la promotion des innovations locales en général, et dans la co-expérimentation d’une pratique locale de lutte contre les parasites du niébé, en particulier.
L’expérience a été conduite dans le village de Kalo, commune de Thiou, province du Yatenga dans la région du Nord au Burkina-Faso.
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Démarche

Genèse de l’expérience
En 2017, une convention de partenariat a été signée entre le Projet NEER-TAMBA et le programme de formation AGRINOVIA de l’Université Joseph KI-ZERBO de Ouagadougou pour le renforcement des capacités des agents du Projet et ceux des partenaires en matière d’accompagnement des dynamiques locales d’innovation. Elle a abouti à la formation de l’équipe régionale chargée de l’appui à l’innovation locale et au déroulement du processus d’apprentissage de la co-innovation. Ainsi, dans le village de Kalo, il a été déroulé les étapes suivantes :
  • (i) partage de l’esprit de l’approche ;
  • (ii) autodiagnostic et planification des activités ;
  • (iii) repérage et caractérisation des innovations ;
  • (iv) mise au point des innovations ;
  • (v) auto-évaluation/co validation ;
  • (vi) socialisation et;
  • (vii) capitalisation.
Au cours de la mise en oeuvre de la démarche, plusieurs initiatives ont été repérées à l’issue d’un autodiagnostic villageois conduit en février 2017 avec l’accompagnement de l’équipe régionale du Nord. Celle portée par Madame Minata SORO a été retenue pour l’expérimentation par les populations locales au regard de son originalité et de sa faisabilité.

Madame Minata SORO, est une femme âgée d’une quarantaine d’années, mère de sept (7) enfants et agricultrice. Active dans la culture du niébé, l’innovatrice, non lettrée, appartient à la classe des pauvres selon les critères locaux de catégorisation sociale. Elle affirme détenir l’initiative de ses parents auprès desquels elle a acquis les savoirs et savoir-faire en matière de fabrication et d’utilisation de pesticide à base de produits locaux contre les insectes nuisibles des cultures du niébé depuis plusieurs années.

Il convient de préciser que dans le cadre de l’appui à la mise en valeur des bas-fonds et des périmètres maraîchers, le Projet soutient les Comités de Gestion (COGES) des sites aménagés à mettre en place un fonds de roulement à travers une dotation initiale (en première année uniquement) composée de semences certifiées de variétés améliorées, d’engrais minéraux (NPK et urée) et de pesticides chimiques (Deltacal). En plus du coût élevé du Deltacal (10 000 F CFA/litre) pour les petits producteurs pauvres, son utilisation non appropriée pourrait engendrer des effets néfastes sur la santé humaine, animale et sur l’environnement.

L’objectif global de l’expérimentation était de contribuer à la valorisation des savoirs locaux dans la lutte contre les insectes nuisibles des cultures du niébé. Cette valorisation étant une alternative pour pallier l’usage de pesticides chimiques peu accessibles et ayant des impacts à long terme sur l’homme et son environnement
De façon spécifique, il s’est agi de co-expérimenter l’usage combiné d’ail, de farine de maïs blanc, de piment rouge local et de savon Aïcha comme pesticide pour lutter contre les parasites sur les boutons floraux, les fleurs et les gousses du niébé en culture.

Trajectoire de l’expérience

Cette expérience s’est déroulée au cours des campagnes agricoles de saison humide 2017 et 2018. A cet effet, un dispositif de co-expérimentation a été mis en place, sur deux parcelles de 200 m2 chacune avec des allées de passage de 2 m.
Les parcelles ont été labourées à la traction bovine avant d’être semées. Deux charretées de fumure organique ont été appliquées au labour, soit une charretée par parcelle élémentaire, correspondant à la dose normale de 5 tonnes/hectare, soit 100 kg/parcelle de 200 m². Un fongicide de type Calthio a servi pour le traitement de la semence. Ce traitement a favorisé une bonne germination et a protégé les plantules contre les attaques des insectes et de champignons dès la levée.

Sur ces parcelles, la semence certifiée de la variété améliorée de niébé Tiligré (KVX 775-33-2G) a été utilisée. Elle présente de grosses graines blanches, avec un cycle semi-maturité de soixante-dix (70) jours. Son rendement grain moyen est de 1500 kg/ha en station et de 850 kg/ha en milieu paysan. Les écartements ont été de 80 cm entre les lignes et 40 cm entre les poquets. Le nombre de plants par poquet est de deux (02).

La fumure minérale NPK (14-23-14-6S), a été appliquée à la dose normale de 100 kg/ha pour le niébé au premier sarclage, 15 jours après semis. Le pesticide a été utilisé trois fois avant la récolte du niébé uniquement sur la parcelle T1. A maturité, les produits des deux parcelles ont été récoltés séparément, séchés et pesés.

Actions / Dispositifs / Services mis en place
La parcelle de la co-expérimentation est composée de deux traitements, T0 et T1 :
(i) T0 = Témoin (sans traitement des ravageurs au champ avec un pesticide chimique
ou un autre pesticide naturel) ;
(ii) T1 = Traitement bio (solution tamisée de Piment + Ail + Farine de maïs + Savon
Aïcha).
 
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Le pesticide est obtenu selon le procédé décrit dans le tableau ci-dessous :

Ingrédients

Unité de mesure

Quantité

Kg

Mode action 1

   Mode action 2

Dose du produit fini (dilution)

Piment local rouge

boite

3

1,5

broyage

 

Mélange, malaxageet filtrage

 

2 bouchons du bidon de 20 l    (≈100 ml) pour 16 l d’eau

Ail ordinaire épluché

bol

2

0,5

broyage

Farine de maïs blanc

bol

2

0,5

-

Savon Aïcha ordinaire

boule

2

0,4

broyage

Eau propre

litre

20

20

-

Le traitement du niébé à base du pesticide a été effectué en utilisant un balai traditionnel avec respect de la dose prescrite selon la périodicité suivante : 21 Jours Après Semis (JAS), 35 JAS et 49 JAS.
L’approche de mise en œuvre a été participative et itérative. Elle a été déroulée suivant les étapes ci-après :
  • l’élaboration du protocole de mise en œuvre (choix du site, budget, comité de suivi, etc.) ;
  • la mise en place du dispositif de co-expérimentation ; 
  • le suivi des activités de la co-expérimentation (visite terrain, mesure des indicateurs, visite commentée, etc.) ;
  • l’application périodique du pesticide ;
  • l’évaluation des résultats du dispositif ;
  • la validation/capitalisation de l’expérience.
Rôles de l’Etat et des partenaires extérieurs
La mise en œuvre de l’expérience a connu la participation de plusieurs acteurs qui ont travaillé dans une synergie d’actions, sous la supervision de l’équipe régionale :
  • la population de Kalo est porteuse de l’innovation. Elle a assuré le suivi des opérations culturales de la co-expérimentation ;
  • la Chambre Régionale d’Agriculture du Nord a offert l’appui technique, le suivi-et l’évaluation de l’expérience ;
  • les Services Techniques Déconcentrés en Charge du Développement rural du Nord (Agriculture, Environnement, Elevage) ont contribué dans l’appui-conseil et le suivi de la mise en œuvre de l’expérience ;
  • la Direction Régionale de Recherches Environnementales et Agricoles du Nord-Ouest a contribué à travers un appui technique ainsi que le suivi-évaluation des opérations ;
  • les autorités administratives et la collectivité de Thiou ont contribué dans la facilitation de la mobilisation des populations et dans le suivi ;
  • l’Unité de Gestion du Projet Neer-Tamba a assuré un appui financier et technique et la coordination de la démarche ;
  • le programme de formation AGRINOVIA a œuvré dans l’appui méthodologique et scientifique.
L’application du produit peut aussi se faire avec un pulvérisateur

Résultats
Au terme de deux (02) campagnes agricoles humides de 2017 et 2018 d’expérimentation, les résultats définitifs atteints en 2018 se présentent comme suit :
  • maîtrise du mode opératoire de fabrication du pesticide ;
  • maîtrise du mode de traitement sur les cultures de niébé.
Au terme du premier traitement :
  • réduction du taux d’infestation par les thrips floricoles de la parcelle T1 de 1,8 % à 0 % ;
  • et augmentation du taux d’infestation par les pucerons thrips floricoles de la parcelle T0 de 1,5 % à 3,8 %.
A l’issue du deuxième traitement :
  • taux d’infestation de la parcelle T1 de 0 % ;
  • augmentation du taux d’infestation par les thrips floricoles de la parcelle T0 : à 15,5 %.
Au terme du troisième traitement :
  • taux d’infestation de la parcelle T1 : 0 % ;
  • augmentation du taux d’infestation par les thrips floricoles de la parcelle T0 : à plus de 23 %.
Cela dénote de l’effet neutralisateur du pesticide sur les thrips floricoles.
A la suite de l’évaluation des productions du niébé grain :
  • T0 : 15,6 kg de niébé grain, soit un rendement de 780 kg/Ha ;
  • T1 : 28,4 kg de niébé grain, soit un rendement de 1420 kg/Ha, équivalent à 99,44 % de T0.
Ce rendement grain de T1 (1420 kg/ha) vaut 155 % du rendement grain de niébé en culture pure dans la province du Yatenga, qui est de 556 kg/ha (MAAH/DGESS, 2017). En conclusion, le produit local testé s’est révélé efficace contre les ravageurs du niébé en culture et permet d’améliorer le rendement grain de niébé.
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La difficulté majeure rencontrée a eu trait aux poches de sécheresse enregistrées au cours de la campagne agricole humide 2017 qui n’ont pas permis de conduire l’expérience à terme. En effet, suite aux stress hydriques répétés auxquels les plants de niébé ont été soumis, l’application du pesticide ne s’est pas faite selon le chronogramme établi et à terme, aucune récolte de graines de niébé n’a été effectuée sur les deux parcelles d’observation du dispositif de co-expérimentation.

Enseignements tirés de l’expérience

Originalité de l’expérience 

Les marchés locaux sont envahis par une diversité de pesticides non homologués dont l’usage engendre des effets négatifs sur la santé humaine, animale et sur l’environnement. L’accès aux pesticides homologués par les producteurs dans la région du Nord est difficile en termes de disponibilité et de coût. En outre, leur gestion sécurisée n’est pas maitrisée par les producteurs. Dans ce contexte, le recours aux savoirs locaux en technique de lutte contre les insectes nuisibles des cultures du niébé à base de produits locaux constitue une alternative. 

Dans le village de Kalo, il existe des initiatives de lutte contre les parasites du niébé, mais elles sont peu appréciées par les populations. C’est dans ce sens que l’initiative portée par Minata SORO, après deux ans de mise à l’épreuve et au regard des résultats atteints (rendement et réduction du taux d’infestation des parasites), a une plus-value qu’il convient de la promouvoir, voire la mettre à l’échelle.

Facteurs clés de succès et de durabilité 

La culture du niébé en pure ou/et associée aux céréales est une pratique courante dans la localité. Elle reste confrontée à des attaques parasitaires récurrentes de sorte que l’usage de pesticides est une nécessité pour des rendements satisfaisants. Le succès de l’expérience est lié aux facteurs ci-après :

  • l’utilisation des produits locaux comme matière première entrant dans la fabrication du pesticide ;
  • la faible toxicité du produit vis-à-vis de l’Homme, de l’animal et de l’environnement ;
  • le coût de fabrication relativement faible (5 225 F CFA/ha) ;
  • la facilité de conservation du produit (au moins un an) ;
  • l’efficacité avérée du produit suite aux différentes applications lors de l’expérimentation ;
  • les résultats atteints (meilleur rendement et réduction du taux d’infestation des parasites).

Impact 

Il a été observé une baisse de l’utilisation de produits chimiques de synthèse au profit des pesticides à base de produits locaux. Le suivi régulier du dispositif expérimental par un comité local et l’organisation d’une visite commentée ont permis de partager les résultats obtenus et de favoriser l’adoption du pesticide.

Reproductibilité et mise à l’échelle 

Dans d’autres contextes, la disponibilité des matières premières, le coût relativement bas et la facilité de fabrication et de conservation du pesticide constituent entre autres des facteurs et des conditions favorables à sa reproductibilité.

Du fait des avantages liés au pesticide et des facteurs de succès cités plus haut, la diffusion du produit à grande échelle est possible à condition de :

  • former les producteurs à la fabrication et à l’utilisation du pesticide ;
  • développer la production semi-industrielle du pesticide et son conditionnement commercial.

Perspectives, évolutions et défis 

L’expérience a été conduite en production pure du niébé. Il conviendrait de tester l’efficacité du pesticide sur des associations de cultures céréales-niébé et sur les cultures maraîchères. Il serait également judicieux d’envisager des recherches pour identifier le principe actif du produit et déterminer la contribution et la spécificité de chaque ingrédient utilisé, notamment : le savon Aïcha, le piment et la farine de maïs blanc en vue de l’élaboration d’une fiche technique.

TELECHARGER LA FICHE DE CAPITALISATION

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Le Projet de Gestion participative des Ressources Naturelles et de Développement rural au Nord, Centre Nord et Est (Projet NEER-TAMBA) est un projet de catégorie B, conçu par le Fonds international de Développement agricole (FIDA) et le Gouvernement du Burkina Faso en cohérence avec les grandes orientations de développement socio-économique du pays.

Projet Neer-Tamba

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