Consolidation de bas-fonds rizicoles aménagés selon le type « PRP » dans le cadre du Projet NEER-TAMBA
INTRODUCTION/CONTEXTE
Contexte
La dégradation des terres et leur appauvrissement dûs à différents facteurs combinés ont conduit l’Etat burkinabè, dans l’optique de l’atteinte de la sécurité alimentaire, à aller vers les productions intensives dans les bas-fonds aménagés.
S’inscrivant dans cette logique, le Gouvernement du Burkina Faso et le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) ont initié le Projet Neer-Tamba. Son objectif global est de contribuer à la réduction de la pauvreté et à l’augmentation des revenus des populations en milieu rural.
Débuté en 2014 pour une durée de 8 ans, le projet intervient dans les activités d’aménagement et de valorisation des terres agricoles notamment les bas-fonds rizicoles. Sa zone d’intervention est constituée des régions du Nord, du Centre-Nord et de l’Est du Burkina Faso.
L’expérience d’aménagement de bas-fonds rizicoles de type Projet Riz Pluvial (PRP) consolidés s’est conduite en collaboration avec les partenaires de mise en oeuvre du projet que sont les Chambres Régionales d’Agriculture (CRA), les Directions Régionales de l’Agriculture, des Aménagements Hydro-agricoles et de la Mécanisation (DRAAHM) et les Prestataires d’Appui à la Maîtrise d’Ouvrage (PAMO).
Les aménagements de types PRP sont réalisés dans les bas-fonds peu accidentés nécessitant moins d’investissements. Les travaux sont faits à haute intensité de mains d’oeuvre (HIMO) avec une orientation technique sur le terrain. Ils consistent à la réalisation de diguettes de terres compactées manuellement et généralement non protégées et sans ouvrage en maçonnerie.
La consolidation de ces bas-fonds de type PRP se réalise à l’année suivant celle de l’aménagement de type PRP, après une campagne de mise en valeur. Elle consiste à protéger les diguettes en terre compactées avec du géotextile, un enrochement de moellons et à réaliser des pertuis de vidange.
DEMARCHE
❖ Genèse de l’expérience de consolidation de bas-fonds de type « PRP »
Depuis 2002, le Projet Riz Pluvial (PRP), financé par la chine Taïwan, s’est spécialisé dans l’appui à la riziculture au Burkina Faso. Cet appui a consisté en la réalisation de bas-fonds qui lui a valu son nom « type PRP ». Ces aménagements qui ont fait leur preuve ont été repris par de nombreux projets/programmes tels que le Programme de Développement Rural Durable (PDRD), le Programme d’Investissement Communautaire en Fertilité Agricole (PICOFA), le Projet d’Amélioration de la Productivité agricole et de la Sécurité Alimentaire (PAPSA). A la suite de ces projets, et prenant en compte leurs acquis, le Projet Neer-Tamba s’est investi, entre autres, dans l’aménagement de bas-fonds type PRP. Ce type d’aménagement PRP a évolué à travers, des actions de confortation des ouvrages, vers le type PRP consolidé.
❖ Trajectoire de l’expérience
Le Projet Neer-Tamba, dans sa mise en oeuvre a réalisé, entre autres, des bas-fonds de type PRP et a réhabilité d’anciens bas-fonds de type PRP aménagés par d’autres projets.
Notons que la durée de vie d’un aménagement de type PRP est en moyenne de 3 ans. En vue de rendre les nouveaux aménagements de type PRP plus durables, l’idée a émergé d’adopter une approche qui vise à aménager le site en année N et à le consolider en année N+1. C’est donc une approche en deux (02) phases, la deuxième faisant l’objet de cette fiche.
❖ Processus de mise en oeuvre des aménagements de type PRP consolidés
Collecte et transport des moellons
Le Projet, à travers un dimensionnement en fonction des superficies, fait une dotation en petit matériel (cf. tableau 1). Les bénéficiaires s’organisent par groupe, pour l’extraction et la mise en tas des moellons au niveau des carrières. Ces moellons font l’objet de transport vers le site du bas-fond par des camionneurs recrutés par la CRA. Ce transport est précédé par une mission de la CRA auprès des populations pour s’assurer de l’effectivité de la collecte de moellons en termes de quantité. Lors de cette mission, le calendrier de passage du camionneur est établi avec les bénéficiaires.
Tableau 1 : Ratio de petits matériels (pour 10 ha)
Matériel |
Nombre |
Matériel |
Nombre |
Brouette |
04 |
Marteau |
05 |
Pelle |
15 |
Barre à mines |
05 |
Niveau à eau |
01 |
Gabarit |
00 |
Arrosoir |
05 |
Paire de gants |
20 |
Pioche |
15 |
Rouleau de corde 100m |
02 |
Dame |
05 |
Bassine de 30 litres en Alu |
03 |
Formation des bénéficiaires sur les techniques d’enrochement
Cette formation est assurée par la DRAAHM et le PAMO. Elle se déroule de manière pratique sur le site du bas-fond en deux jours et concerne l’ensemble des exploitants attributaires de parcelles. Une prise en charge estimée de huit personnes à l’hectare est accordée par le Projet aux bénéficiaires en vue de soutenir leur participation aux travaux par des repas communautaires.
Enrochement des diguettes en travaux à Haute Intensité de Main d’oeuvre (HIMO)
A la suite de la formation, les bénéficiaires s’organisent par grands groupes pour ces travaux physiques. Les diguettes qui avaient été réalisées en première année sont remises en état et compactées. Elles sont par la suite recouvertes de géotextiles avant la pose des moellons. Les moellons sont agencés de sorte à ce que toute la surface du géotextile soit couverte. Ainsi, on obtient des diguettes bien renforcées avec une meilleure résistance à l’érosion.
Les pertuis sont des ouvrages de régulation du niveau de l’eau dans les parcelles. En effet ces ouvrages comportent une partie métallique amovible et permettent le passage de l'eau d'un compartiment à l'autre favorisant une meilleure gestion de la quantité d’eau sur les parcelles. Leurs implantations sont faites sur les diguettes secondaires par les agents d’encadrement technique et réalisés par des maçons qualifiés. Leur nombre est de 10 sur 10ha consolidés.
❖ Parties prenantes de l’expérience : rôle et responsabilité
Le Projet Neer-Tamba à travers l’UGP assure la mise à disposition des ressources pour les différents travaux.
La CRA supervise la collecte et le transport des moellons, la formation des bénéficiaires sur les techniques d’aménagement, l’encadrement des bénéficiaires lors des travaux et contractualise avec les prestataires.
La DRAAHM apporte un appui pour la collecte des moellons, assure la formation des bénéficiaires sur les techniques d’aménagement et encadre les bénéficiaires lors des travaux.
Le PAMO appuie la formation des bénéficiaires et assure un suivi rapproché de la réalisation des travaux d’aménagement.
Les bénéficiaires assurent la collecte et le chargement des moellons, réalisent les travaux en HIMO, font l’entretien et la mise en valeur du bas-fond aménagé.
Le Comité de Gestion (COGES), constitué de 7 membres dont au moins 3 femmes, mis en place à la première année d’aménagement du bas-fond est chargé de l’organisation pratique des bénéficiaires, du bon entretien de l’ouvrage, du respect du cahier de charges du bas-fond, de la reconstitution du fonds de roulement et la gestion du petit matériel mis à leur disposition.
❖ Rôle de l’Etat
La politique de promotion de la production de riz est développée par l’Etat comme en témoigne les chiffres sur l’évolution des superficies de bas-fonds et plaines aménagées (de 38 927 ha en 2010 à 64 298 ha en 2019) (tableau de bord statistique de l’agriculture 2019).
L’Etat à travers ses services techniques assure l’encadrement des bénéficiaires sur l’aménagement, pendant les travaux et pendant la mise en valeur de ces bas-fonds.
❖ Résultats
L’aménagement de bas-fond par la technique « PRP consolidé », développé et financé par le Projet Neer-Tamba s’exécute sur deux (02) années de campagne et offre des avantages comparés :
- une meilleure résistance des ouvrages ;
- une meilleure gestion du niveau de l’eau ;
- une facilité d’entretien des ouvrages ;
- le développement de la solidarité et de la cohésion sociale dans la communauté bénéficiaire ;
- une meilleure appropriation par les bénéficiaires.
Elle reste cependant pénible dans sa réalisation car les travaux sont difficiles. Aussi la mobilisation des bénéficiaires est parfois difficile lors des travaux communautaires. Enfin, l’absence ou l’insuffisance des carrières de moellons dans certaines localités peuvent constituer un handicap.
ENSEIGNEMENTS TIRES DU PROCESSUS D’AMENAGEMENT PRP CONSOLIDE
❖ Originalité
La responsabilisation des bénéficiaires qui sont au coeur du processus permet une bonne appropriation des aménagements, et facilite l’entretien permanent des ouvrages.
Le fait de scinder l’activité sur deux campagnes divise l’intensité des travaux qui nécessitent beaucoup de main d’oeuvre et de temps. La consolidation permet de disposer à la deuxième année d’aménagement d’un bas fond plus durable.
❖ Facteurs clés de succès
Les facteurs clés de succès sont :
- l’adhésion des populations à l’effort collectif pour cet objectif de développement ;
- l’atténuation de l’effort physique et la réduction du temps mis pour l’aménagement au niveau des bénéficiaires du fait de la répartition des travaux sur deux ans ;
- l’avantage de déceler après une première campagne les parties les plus vulnérables de l’ouvrage où l’accent est mis avec des actions ou des traitements spécifiques lors de la consolidation.
❖ Impact
- l’amélioration des revenus des populations bénéficiaires ;
- l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle au niveau des populations par la diversification de l’alimentation et la consommation d’un riz sain, produit du terroir ;
- le renforcement des liens sociaux par la capacité des populations à satisfaire à certaines exigences de la communauté.
Les facteurs de durabilité de l’expérience sont :
- les aménagements sont faits à la demande et les bénéficiaires acceptent d’adhérer aux différents principes et sont engagés ;
- les aménagements sont faits sur des terres ayant fait l’objet d’accords socio-fonciers, ce qui atténue le risque d’insécurité foncière ;
- la formation des bénéficiaires qui permet une bonne appropriation et un meilleur entretien des aménagements ;
- la mise en place du COGES qui permet un bon entretien des aménagements notamment par une gestion du petit matériel utilisé lors des travaux ;
- la mise en place de coopérative pour mieux organiser les producteurs et valoriser leur production (fourniture d’intrants, recherche de marchés…) ;
- le fonds de roulement qui permet de maintenir la productivité des aménagements ;
- l’accompagnement et la disponibilité de l’encadrement technique.
La technique d’aménagement de type « PRP consolidé » est facilement reproductible et son coût est relativement raisonnable. Les estimations financières faites par les techniciens du Projet donnent un coût d’environ 1 200 000 FCFA à l’hectare ; la contribution des bénéficiaires est estimée à environ 30 000 FCFA à l’hectare.
Pour ce qui est des moyens humains :
- les Services Techniques Déconcentrés (STD) et les CRA sont dans toutes les communes, ce qui assure un encadrement qualifié de proximité ;
- les bénéficiaires assimilent et s’approprient bien les techniques d’aménagements.
terres de bas-fonds peut constituer une contrainte pour la réalisation de ces aménagements.
❖ Perspectives et défis
Les perspectives de valorisation des bas-fonds notamment avec des travaux de type PRP consolidés ont de nombreux avantages et contribuent à l’atteinte de la sécurité alimentaire.
Cependant de nombreux défis restent à relever. Il s’agira de :
- trouver les meilleures approches pour rendre plus accessibles les carrières de moellons qui font l’objet de concurrence du fait d’autres utilisations (BTP, CES/DRS, etc.) ;
- résoudre la question sécuritaire qui rend inaccessibles certaines zones qui pourtant ont un potentiel en bas-fonds aménageables en PRP consolidé.